— Ne faudrait-il pas adopter une pratique bien définie afin de mettre fin à cette détérioration, cette inefficacité et paresse de l’esprit ? demanda le fonctionnaire.
La pratique ou la discipline impliquent un motif, à savoir parvenir à une fin, et n’est-ce pas là une activité totalement centrée sur soi ? Le fait de devenir vertueux participe d’un processus d’auto-intérêt, qui mène à la respectabilité. Lorsque vous cultivez en vous-même un état de non-violence, vous êtes toujours en proie à la violence, mais celle-ci revêt un nom différent. Et derrière tout cela existe un autre facteur de dégénérescence : l’effort, sous ses formes les plus subtiles. Ce qui ne veut pas dire qu’il faille préconiser la paresse.
— Grand Dieux, s’exclama le fonctionnaire, on peut dire que vous ne nous laissez pas grand-chose ! Et lorsque vous faites table rase de la sorte, que reste-t-il de nous ? Rien !
La créativité ne participe pas du processus de devenir ou de réaliser, mais est un état d’être dans lequel tout effort intéressé est radicalement absent. C’est lorsque le moi fait un effort pour être absent qu’il est le plus présent. Tout effort de la part de la chose complexe qu’on appelle l’esprit doit cesser, sans motivation ni incitation.
— Cela s’appelle la mort, n’est-ce pas ?
La mort de tout ce qui est connu, de ce qui constitue le moi. Ce n’est que lorsque la totalité de l’esprit est immobile, que la création, l’inconnu, peut entrer en existence.
— Qu’entendez-vous par l’esprit ? demanda l’artiste.
Le conscient tout autant que l’inconscient, les recoins cachés du coeur tout comme les parties cultivées de l’esprit.
J. Krishnamurti
Commentaires sur la vie Tome 3, Chapitre 15
La déterioration de l’esprit