Voir ce qui est, est réellement ardu. Comment peut-on clairement observer ? Une rivière qui rencontre un obstacle n’est jamais calme ; la rivière brise l’obstacle par sa masse ou passe au dessus, ou trouve un passage par dessous ou le contourne ; la rivière n’est jamais immobile ; elle ne peut faire autrement qu’agir. Elle se révolte, si nous pouvons ainsi dire, intelligemment.
On doit se révolter intelligemment et accepter ce qui est avec intelligence. Pour percevoir ce qui est, il doit y avoir l’esprit d’une révolte intelligente. Ne pas se laisser abuser par une apparence nécessite une certaine intelligence ; mais généralement on est si désireux d’obtenir ce que l’on veut, que l’on se précipite contre l’obstacle. ; ou on se casse contre lui ou on s’épuise à lutter contre lui.
Voir la corde en tant que corde ne nécessite pas de courage, mais prendre la corde pour un serpent et alors l’observer nécessite du courage. L’on doit douter, toujours chercher, voir le faux pour le faux. On obtient la puissance de voir clairement par l’intensité de l’attention ; vous verrez que cela viendra.
On doit agir ; la rivière n’est jamais statique, elle est toujours active. L’on doit être dans un état de négation, pour agir ; cette négation intense apporte sa propre action positive. Je pense que le problème est de voir clairement, et alors cette perception intense apporte sa propre action. Quand il y a souplesse il n’y a aucune question de vrai et de faux.
On doit être très clair avec soi-même. Alors je vous assure que tout devient clair ; soyez clair et vous verrez que les choses apparaîtront distinctement sans que vous ayez à faire quoi que ce soit à ce propos. La vérité n’est pas ce qu’on désire.
Il doit y avoir complète révolution, pas seulement dans les grandes choses, mais dans les petites de la vie quotidienne.
Lettre à une jeune amie - 10 (Biographie : Krishnamurti, une vie - Pupul Jayakar)