Condamner ou justifier empêche de voir clairement. Il en est de même lorsqu’on bavarde sans arrêt, car alors on n’observe pas « ce qui est » : on ne voit que ce que l’on projette soi-même. Chacun de nous a une image de ce qu’il croit être ou de ce qu’il voudrait être, et cette image nous empêche totalement de voir ce que nous sommes en fait.
Voir quoi que ce soit avec simplicité est une des choses les plus difficiles au monde car nous sommes si complexes que nous avons perdu la qualité de ceux qui sont simples en esprit. Je ne parle pas de cette sorte de simplicité qui s’exprime dans la nourriture et les vêtements, telle que ne posséder qu’un pagne, ou battre des records de jeûne, ou tout autre sottise infantile que cultivent les saints mais de la simplicité qui permet qu’on regarde directement chaque chose sans peur et soi-même tel que l’on est, sans déformations : si l’on ment, se dire que l’on ment, sans déguisements ni évasions.
Et aussi, pour nous comprendre nous-mêmes, il nous faut une grande humilité. Aussitôt que l’on se dit : « je me comprends », on a déjà cessé d’apprendre quoi que ce soit à son propre sujet ; ou si l’on se dit : « après tout, il n’y a rien à apprendre, puisque je ne suis qu’un paquet de souvenirs, d’idées, d’expériences, de traditions », on a également cessé de voir ce que l’on est.
Lorsqu’on parvient à une réalisation, on a perdu les qualités propres à l’innocence et à l’humilité.
Se libérer du connu. Pages 29. Chapître 2, apprendre à se connaître. Editions Stock.1994