La passion est évidemment nécessaire, et la question est de savoir comment raviver cette passion. Qu’il n’y ait pas de malentendu entre nous. J’entends par passion la passion dans tous les sens du terme, et pas seulement la passion sexuelle, qui est bien peu de chose. Et nous nous en contentons, dans la plupart des cas, parce que toutes nos autres passions ont été anéanties - au bureau, à l’usine, sous le poids des contraintes du travail, de la routine, de l’apprentissage des techniques - , il ne reste donc plus la moindre passion ; il n’y a plus aucun sentiment créatif d’urgence, de délivrance. La sexualité prend donc pour nous de l’importance, et nous nous perdons dans une passion mesquine qui pose d’énormes problèmes aux esprits étroits, aux esprits vertueux ; ou bien la sexualité se transforme en habitude, et meurt. J’emploie le mot passion pour désigner une chose globale. L’homme passionné, mû par des sentiments forts, ne se contente pas d’une quelconque petite activité professionnelle - qu’il s’agisse de celle de Premier ministre, ou de cuisinier, ou que sais-je encore.
L’esprit qui est passionné explore, cherche, regarde, demande, exige, il ne se contente pas, face à son insatisfaction, de trouver un objet lui permettant de la combler, pour s’endormir ensuite. L’esprit passionné avance à tâtons, cherche, franchit les obstacles, sans se plier à aucune tradition ; ce n’est pas un esprit figé, un esprit qui a atteint le but, mais c’est un esprit jeune, qui n’en finit jamais d’arriver.
Le Livre de la Méditation et de la Vie. Pages 136 et 137 - Esprit passionné, esprit qui explore. Editions Stock.