Si vous devez créer un nouveau monde, une nouvelle civilisation, un art nouveau, tout neuf, non contaminé par la tradition, par la peur, par les ambitions, si vous devez créer ensemble quelque chose d’anonyme qui est vôtre, qui est mien, une nouvelle société, dans laquelle il n’y a pas de vous et de moi, mais un « nous »,« ne faut-il pas un esprit qui soit totalement anonyme, donc seul ? Cela implique, n’est-ce pas, qu’il doit y avoir une révolte contre le conformisme, une révolte contre la respectabilité, parce que l’homme respectable est l’homme médiocre parce qu’il veut quelque chose, il dépend de l’influence pour son bonheur, de ce que son voisin pense, de ce que son gourou pense, de ce que la Bhagavad-Gita ou les Upanishads ou de la Bible ou le Christ disent. Son esprit n’est jamais seul. Il ne marche jamais seul, mais il marche toujours en compagnie, la compagnie de ses idées.
N’est-il pas important de découvrir, de voir, toute la signification de l’intervention, de l’influence, de la mise en place du « moi », ce qui est en contradiction avec l’anonymat ? Voir l’ensemble de cela, n’est-ce pas, pose inévitablement la question : Est-il possible de susciter immédiatement cet état d’esprit qui n’est pas influencé, qui ne peut pas être influencé par sa propre expérience ou par l’expérience des autres, un esprit qui est incorruptible, qui est seul ? Alors seulement y a-t-il une possibilité de susciter un monde différent, une culture différente, une autre société dans laquelle le bonheur est possible.
J. Krishnamurti, The Book of Life