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S’il n’existait aucun idéal du tout, vous resteriez avec « ce qui est ». En serions-nous pour cela plus enclins à la complaisance ? Ou bien n’auriez-vous pas plutôt l’énergie, l’intérêt, la vitalité qu’il faut pour résoudre « ce qui est » ?



Question. — S’il n’existe aucune division entre le « ce qui est » et le « ce qui devrait être », on pourrait devenir suffisant, cesser avec complaisance de se tourmenter au sujet des chose affreuses qui se passent.

Réponse. — Le « ce qui devrait être », quelle est sa réalité ? En a-t-il aucune ?

L’homme est violent mais il « devrait être paisible ». Quelle est la réalité de ce « devrait être » ? Et pourquoi existe-t-il pour nous ce « devrait être » ?

Et si cette division n’existait plus l’homme en deviendrait- il suffisant, satisfait, accepterait- il n’importe quoi ? Accepterais- je la violence si je n’avais aucun idéal de non-violence ? La non-violence nous a été prêchée depuis les temps les plus reculés : ne tuez pas, soyez compatissants et ainsi de suite ; et le fait est celui-ci : l’homme est violent, c’est là « ce qui est ». S’il accepte cet état de choses comme étant inévitable, alors il s’y complaît — et c’est ce qui se passe maintenant. Il a accepté la guerre comme faisant partie de la vie et il continue à guerroyer, bien qu’il y ait des milliers de sanctions religieuses, sociales et autres qui nous enjoignent de ne pas tuer — non seulement les hommes mais les animaux ; cependant, il les tue, les animaux pour s’en nourrir, et il continue à faire la guerre.

Donc, s’il n’existait aucun idéal du tout, vous resteriez avec « ce qui est ». En serions-nous pour cela plus enclins à la complaisance ? Ou bien n’auriez-vous pas plutôt l’énergie, l’intérêt, la vitalité qu’il faut pour résoudre « ce qui est » ? L’idéal de non-violence n’est-il pas une évasion devant le fait de la violence ?

Quand l’esprit ne s’évade pas, mais qu’il est devant ce fait, sachant qu’il est violent, sans condamner, sans juger, alors assurément un tel esprit prend une qualité entièrement différente et en lui la violence n’existe plus.

Le Vol de l’aigle p 46, 47



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