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Que serait un cerveau très éveillé, non limité par ses propres pensées, ses souvenirs, ses évocations ?



Cet hiver, il a plu presque constamment depuis trois mois. La Californie a un climat assez extravagant. La terre y est noyée de pluies ou subit une sécheresse absolue. Il y a eu de grands orages et quelques rares jours de soleil. Hier il a plu toute la journée et ce matin les nuages sont bas et le temps est plutôt triste. La pluie d’hier a battu toutes les feuilles. La terre est très mouillée. Les arbres et ce magnifique chêne doivent se demander ce qu’est devenu le soleil. Ce matin, alors que les nuages cachent les montagnes et les collines presque jusqu’au fond de la vallée, surgit la question : que signifie être sérieux ? À quoi correspondrait un esprit ou un cerveau très calme et sérieux ? Sommes-nous jamais sérieux ? Ou vivons-nous toujours dans un monde de superficialité, allant de-ci de-là, nous battant, nous disputant violemment au sujet de choses triviales.

Que serait un cerveau très éveillé, non limité par ses propres pensées, ses souvenirs, ses évocations ? Qui serait libre de toute l’agitation de la vie, de la douleur, de l’angoisse et de la souffrance sans fin ? Pourrait-il exister un esprit totalement libre, qui ne soit pas déformé par les influences, par l’expérience et par l’immense accumulation de savoir ? Le savoir est du temps ; apprendre exige du temps. Pour apprendre à jouer du violon, il faut une patience infinie, des mois d’exercices, des années de concentration fervente. Acquérir un savoir-faire, devenir un athlète, créer un bon moteur ou se rendre sur la lune, tout cela exige du temps. Mais y a-t-il quelque chose à apprendre au sujet de la psyché, de ce que nous sommes, toutes les inconstances, les complexités de nos actions, de nos réactions, l’espoir, l’échec, la peine et la joie, qu’y a-t-il à apprendre dans tout cela ? Ainsi que nous l’avons dit, dans un certain domaine de notre existence physique, il faut du temps pour recueillir le savoir et agir à partir de celui-ci. Serait-ce que nous utilisons ce même principe, ce même mouvement du temps, dans le monde psychologique ? Là aussi, nous nous disons que nous devons apprendre ce qui se passe en nous, nos réactions, notre comportement, nos exaltations et nos dépressions, nos idéations ; nous pensons que cette connaissance aussi exige du temps.

Dernier Journal - Mardi 19 avril 1983



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