Le bien n’est pas le contraire du mal. Le bien n’a jamais été entamé par le mal, bien qu’il en soit entouré. Le mal ne peut faire du tort au bien, mais il arrive que le bien puisse sembler nuisible et, de la sorte, le mal s’exprime de façon plus rusée, plus pernicieuse. On peut cultiver le mal, l’affiner, accroître sa violence ; il est issu du mouvement du temps, qui le nourrit et s’en sert avec adresse.
Mais le bien, la bonté, ne participe pas du temps ; la pensée n’a aucun moyen de le cultiver, de l’entretenir. Son action n’est pas de l’ordre du visible. La bonté véritable n’a ni cause ni effets. Le mal ne peut se transformer en bien, car la bonté n’est pas le fruit de la pensée : elle est, tout comme la beauté, bien au-delà de la pensée. Ce qui est produit par la pensée peut être défait par elle, mais cela n’est pas le bien.
La bonté, n’étant pas de l’ordre du temporel, ne possède pas de lieu, de domicile fixe. Là où règne le bien, règne l’ordre, mais il ne s’agit pas de l’ordre issu de l’autorité, de la punition et de la récompense. Cet ordre est essentiel. Sans lui, la société se détruit et l’homme n’est plus qu’un être mauvais, meurtrier, corrompu et dégénéré. Car l’homme est la société ; ils sont indissociables.
La loi du bien est éternelle, immuable et intemporelle. Sa nature est de stabilité et c’est en cela qu’elle est totalement sûre. Il n’existe aucune autre forme de sécurité.
J. Krishnamurti Journal 14 avril 1975 (p. 182-183)