... , elle survenait aussi facilement, naturellement que la nuit toute proche. Pas le moindre effort, pas de contrôle, ni la concentration et la distraction qui l’accompagnent ; pas de commandement, ni de quête, pas de refus ou d’acceptation, ni de continuité par la mémoire dans la méditation.
Le cerveau, conscient de ce qui l’entourait, était silencieux, sans réaction ; il ne subissait pas d’influence, mais reconnaissait tout sans réagir. Il était très calme ; les mots et la pensée s’étaient effacés. Cette étrange énergie, peu importe le nom qu’on lui donne, était présente, profondément active, sans objet, sans but ; elle était création, mais sans toile ni marbre, et elle était destructrice. Ce n’était pas le produit d’un cerveau humain, qui s’exprime et se dégrade. Elle ne pouvait être approchée, classifiée, analysée, la pensée comme le sentiment n’étant pas les instruments de sa compréhension. Elle était totalement seule dans son ampleur, son immensité.
En marchant au long de cette route dans l’obscurité croissante, c’était l’extase de l’impossible, non celle de l’accomplissement, de l’atteinte, de la réussite et toutes ces exigences puériles, mais celle de la solitude de l’impossible. Le possible est mécanique et l’impossible peut être envisagé, essayé ou atteint, pour devenir à son tour mécanique. Mais l’extase n’avait ni cause, ni raison. Elle était là, simplement, pas une expérience mais un fait, il n’y avait pas à l’accepter ou la refuser, en discuter ou la disséquer. Ni la rechercher, puisqu’aucune voie n’y conduit. Tout doit mourir pour quelle puisse être, elle est mort, destruction, qui est amour.
J. Krishnamurti
Carnets
31 octobre 1961 à Rishi Valley (p.246-247)