Comment notre esprit peut-il savoir s’il a enfin trouvé ce qu’il appelle l’absolu, l’ultime, l’indicible, le sublime ? L’esprit, n’étant absolument pas en mesure de connaître ce qui est illimité, inconnaissable, et qu’on ne peut appréhender par le biais de l’expérience, ne peut faire qu’une chose - se libérer de toute forme de souffrance, d’angoisse et de peur, ainsi que du désir qui, en ultime analyse, est à la source de toutes les illusions. Le « moi », avec toutes les images qu’il véhicule, est le noyau central d’où vient le clivage et donc le conflit qui fissurent toute relation.
Si l’esprit n’a pas su instaurer de relations mutuelles qui soient justes, il est tout à fait insensé de vouloir explorer ou découvrir la réalité ultime, car vie et relation sont une seule et même chose. Vivre, c’est agir dans et sur la relation, et si ce fait n’est pas pleinement compris, fermement établi, on ne peut pas aller très loin. Faute d’avoir saisi cela, la quête d’absolu devient une forme de fuite face à la réalité effective de la relation. Tant que l’esprit ne s’est pas fixé une ligne de conduite fondée sur des rapports justes et sur l’ordre - autrement dit, sur la vertu - , toute quête, toute exploration du réel sont dénuées de sens, car un esprit qui n’est pas affranchi de tout conflit ne peut rien faire d’autre que fuir dans ce qu’il croit être authentiquement réel.
Cette lumière qui est en nous. Pages 91 et 92.
Chapître : l’harmonie entre le connu et l’inconnu. Causerie publique à Ojai, le 15avril 1973. Editions Stock