Si c’est la première fois que vous entendez déclarer qu’il vous faut être libérés de la pensée, vous allez peut-être dire : « Pauvre type, il est fou ! ».
Mais si vous avez vraiment écouté, que vous l’avez fait, non seulement cette fois-ci, mais depuis de nombreuses années au cours desquelles certains d’entre vous ont peut-être lu tout ce qui a été écrit à ce sujet, vous saurez alors que ces propos sont animés d’une vitalité extraordinaire et d’une vérité profonde.
Seul l’esprit qui s’est dégagé du connu est créateur. C’est cela, la création. Ce qu’il crée n’a rien à voir avec lui. Être libéré du connu, c’est la condition d’un esprit en pleine création. Comment un tel esprit peut-il se soucier de lui-même ? Pour comprendre cet état d’esprit, vous devez donc vous connaître, observer le processus de votre propre pensée - l’observer sans le modifier, mais simplement l’observer comme lorsque vous vous regardez dans une glace. Lorsque la liberté est présente, vous pouvez alors vous servir du savoir sans qu’il détruise l’humanité. Mais quand la liberté est absente, lorsque vous vous servez du savoir, vous faites le malheur de tous, que vous soyez en Russie, en Amérique, en Chine ou n’importe où.
Je qualifie de sérieux l’esprit qui est conscient du conflit du connu sans en être prisonnier et sans faire d’efforts pour modifier ou améliorer le connu. Car sur ce chemin, il n’y a pas de fin à la souffrance et au malheur.
J. Krishnamurti
De la liberté
Saanen, le 11 juillet 1963 (p. 92-93)