Question. — Ceci me paraît très difficile à comprendre. S’il n’y avait aucune pensée du tout, serait-il possible de reconnaître un arbre ou ma femme ou mon voisin ? Il est nécessaire de reconnaître, n’est-il pas vrai, quand vous regardez un arbre ou la femme de la maison d’à côté ?
Réponse. — Quand vous observez un arbre, est-il nécessaire de le reconnaître ? Quand vous regardez cet arbre, allez-vous dire que c’est un arbre, ou n’allez-vous pas vous contenter de regarder ? Si vous commencez à le reconnaître comme étant un hêtre, un chêne ou un manguier, c’est alors le passé qui intervient dans votre observation directe. De la même façon, quand vous regardez votre femme, si vous la regardez avec les souvenirs des plaisirs ou des irritations du passé, vous ne la regardez pas vraiment, mais vous regardez l’image que vous vous faites d’elle dans votre esprit. Ceci empêche la perception directe : la perception directe n’a que faire de la reconnaissance. Une reconnaissance tout extérieure de votre femme, de vos enfants, de votre maison, de votre voisin, est évidemment nécessaire, mais pourquoi le passé interviendrait-il dans les yeux, l’esprit et le cœur ? Cela ne vous empêche-t-il pas de voir clairement ? Quand vous condamnez, quand vous avez d’une chose une certaine opinion, cette opinion, ce préjugé, déforment l’observation.
Le changement créateur. P.217