L’éducation n’a pas pour rôle de vous ajuster aux schémas sociaux, mais au contraire de vous aider à comprendre complètement, pleinement, ces schémas et de vous en dégager afin d’être un individu dépourvu de toute arrogance de l’ego : vous avez confiance parce que vous êtes réellement innocents.
N’est-il pas tragique que notre unique préoccupation, ou presque, soit de savoir comment nous insérer dans la société, ou comment la réformer ? (…) Vous dites, en fait : « Comment m’insérer dans la société ? Que diront mon père et ma mère, et que se passera-t-il si je ne le fais pas ? » Une telle attitude détruit le peu de confiance ou le peu d’esprit d’initiative que vous pourriez avoir. Et vous quittez l’école et l’université comme autant d’automates, hautement efficaces, mais sans la moindre flamme créatrice. Voilà pourquoi il est si important de comprendre la société, l’environnement dans lequel on vit, et, par ce processus de compréhension, de rompre les liens avec tout cela.
Le problème est le même dans le monde entier. L’homme cherche une nouvelle réponse, une nouvelle approche de la vie, car les voies anciennes sont en décadence, que ce soit en Europe, en Russie ou ici. La vie est un perpétuel défi, et ne faire qu’instaurer un ordre économique meilleur n’est pas la réponse totale à ce défi, qui est perpétuellement neuf ; et quand des cultures, des peuples, des civilisations sont incapables de répondre en totalité à ce défi, ils sont anéantis.
Si vous ne recevez pas une éducation digne de ce nom, et si vous n’avez pas cette extraordinaire confiance de l’innocence, vous serez inévitablement absorbés par le collectif et noyés dans la médiocrité. Vous ferez étalage de vos diplômes sur vos cartes de visite, vous vous marierez, vous aurez des enfants et c’en sera fini de vous.
En réalité, nous avons pratiquement tous peur. Vos parents ont peur, vos éducateurs ont peur, les gouvernements et les religions ont peur que vous deveniez un individu à part entière, car ils veulent tous que vous restiez bien à l’abri au sein de la prison que sont les influences de l’environnement et de la culture. Mais seuls les individus qui brisent le carcan des schémas sociaux en les comprenant, et qui cessent par conséquent d’être prisonniers du conditionnement de leur propre esprit – seuls ceux-là sont en mesure de faire éclore une nouvelle civilisation, et non ceux qui ne font que se conformer aux schémas en place, ou qui résistent à un moule donné parce qu’ils ont été moulés dans un autre. La quête de Dieu ou de la vérité ne consiste pas à demeurer dans la prison, mais plutôt comprendre la prison et à s’en échapper – et ce mouvement vers la liberté crée une nouvelle culture, un monde différent.
Krishnamurti, La confiance de l’innocence.