P. - Vous nous amenez, par l’usage de la raison, par la logique, jusqu’à un certain point ; vous ne vous y arrêtez pas.
Kr. - Naturellement pas.
P. - Mais c’est là le paradoxe véritable.
Kr. - Je me refuse à considérer cela comme un paradoxe.
F. - Mais on ne peut confondre la substance d’une chose et sa signification. C’est ce que P. fait.
Kr. - Ce qu’elle dit est assez simple : en ce qui concerne le penseur et la pensée, nous voyons toute la logique de ce que vous dites - mais vous n’en restez pas là, vous allez plus loin.
Je me rends compte que la pensée et le penseur sont des choses très limitées. Mais je ne m’arrête pas là. Le faire serait souscrire à une philosophie purement matérialiste. C’est là qu’aboutissent beaucoup d’intellectuels, en Orient tout comme en Occident. Mais ils sont toujours liés, et cela étant, même s’ils élargissent le champ de leur réflexion, ils restent toujours attachés au poteau qui est leur expérience et leur croyance. Et maintenant, retournons à la question posée : « La pensée elle-même se rend-elle compte de ses limites ? » Sachant qu’elle est énergie, qu’elle est mémoire, qu’elle est le passé, qu’elle est le temps, de même la souffrance, etc. ; la pensée se rend compte que tout mouvement de sa part fait partie du contenu de la conscience, et que sans ce contenu il n’y aurait aucune conscience. Qu’est-ce qui arrive ? Cet état est-il observable ou non ? Je n’invente pas Dieu.
P. - Ce n’est pas là ce que je dis. Je n’ai jamais dit que vous inventiez Dieu. Je dis que jusqu’à ce point votre position est matérialiste, rationnelle, logique. Et puis subitement vous introduisez un nouvel élément.
Tradition et révolution. Page 302 et 303. Chapître : Dieu. Editions Stock/Monde ouvert. 1978. Dialogues.