Avoir de la sensibilité c’est être sensible à tout ce qui nous entoure : aux plantes, aux animaux, aux arbres, au ciel, aux eaux de la rivière, à l’oiseau sur l’aile, et aussi à l’humeur des gens, à l’étranger qui passe. Cette sensibilité suscite, en réponse au monde extérieur, un comportement non calculé, non égocentrique, qui est moral dans le vrai sens de ce mot. Ayant de la sensibilité, l’enfant, loin d’être dissimulé, sera ouvert aux suggestions du maître, qu’il acceptera aisément, sans résistances ni heurts.
Puisque c’est le développement total de l’être humain qui nous importe, nous devons comprendre ses implusions émotionnelles, qui ont toujours plus de force que des raisonnements intellectuels. Il nous faut donc cultiver ses capacités émotionnelles et non pas l’aider à les refouler. Si l’on comprend le monde de l’émotivité et qu’on peut, de ce fait, considérer ses problèmes aussi bien que les problèmes intellectuels, on n’a plus peur de les aborder.
Pour le développement total de l’être humain, la solitude en tant que moyen de cultiver la sensibilité est une nécessité. Il faut savoir ce que veut dire être seul, ce que veut dire méditer, ce que veut dire mourir, et les implications de la solitude, de la méditation, de la mort, ne peuvent être connues que si on les cherche. Elles ne peuvent pas être enseignées, on doit les apprendre. On peut recevoir des indications, mais apprendre ce qui vous est indiqué n’est pas vivre l’expérience de la solitude ou de la méditation. Pour vivre ces expériences, on doit être dans un état d’interrogation. Seul l’esprit qui interroge est capable d’apprendre. Lorsque l’investigation est supprimée par des connaissances antérieures, ou par une autorité, ou par l’expérience d’autrui, apprendre se réduit à imiter et l’imitation porte l’individu humain à répéter ce qu’il a appris, sans le vivre.
Face à la vie. Pages 18 et 19. Introduction. Editions Adyar.1990.