Le monde est toujours au bord de la catastrophe mais elle semble aujourd’hui se rapprocher encore. La voyant se profiler, la plupart d’entre nous se réfugient dans les idées. Nous pensons que cette catastrophe, cette crise, peut être résolue par une idéologie. L’idéologie fait toujours obstacle à la relation directe et s’oppose à l’action. Nous voulons la paix, mais seulement en tant qu’idée, et non en tant que réalité. Nous voulons la paix sur le plan verbal qui n’est que le niveau de la pensée, bien que nous parlions fièrement de niveau intellectuel. Mais le mot de paix n’est pas la paix.
La paix ne peut exister que lorsque cesse le désordre que chacun entretient, vous et moi. Nous sommes attachés au monde des idées et non à la paix. Nous sommes à la recherche de nouveaux schémas sociaux et politiques, et non de la paix. Nous nous préoccupons de la conciliation des effets et nous ne cherchons pas à écarter les facteurs de guerre. Cette quête n’aboutira qu’à des réponses conditionnées par le passé. C’est ce conditionnement que nous appelons connaissance, expérience, et les faits nouveaux sont traduits, interprétés en fonction de cette connaissance. Il y a donc conflit entre ce qui est et l’expérience de ce qui a été. Le passé qui est connaissance est toujours en contradiction avec le fait qui est toujours dans le présent. Voilà qui ne résoudra pas le problème mais perpétuera les conditions qui sont à l’origine du problème.
(Colombo, 22 janvier 1950, causerie radiophonique)