Ce matin, nous descendions sur la route. C’était le printemps et le ciel était exceptionnellement bleu, sans le moindre nuage, le soleil chaud sans excès. On se sentait bien. Les feuilles brillaient dans l’air étincelant. Tout était vraiment d’une beauté extraordinaire. La haute montagne était là, impénétrable, entourée de collines verdoyantes. Comme nous marchions tranquillement, sans trop penser, nous avons aperçu à nos pieds une feuille morte, marquée de jaune et de rouge éclatant, une feuille d’automne. Comme elle était belle, si simple dans sa mort, si vivante, pleine de la beauté de la vitalité de son arbre, de l’été. Elle ne s’était pas fanée. En la regardant de près, on pouvait distinguer toutes ses nervures, sa tige et sa forme parfaite. Dans cette feuille s’inscrivait l’arbre entier.
Pourquoi les hommes meurent-ils si lamentablement, dans une telle affliction, dans la maladie, les infirmités du grand âge, la sénilité et cette affreuse décrépitude du corps ? Pourquoi ne peuvent-ils pas mourir naturellement, aussi beaux dans la mort que cette feuille ? Qu’est-ce qui ne va pas en nous ? Malgré le grand nombre de médecins, les médicaments et les hôpitaux, les opérations et tous les efforts de l’existence comme ses plaisirs, nous ne semblons pas capables de mourir dans la dignité et la simplicité, avec le sourire.
Dernier Journal - Vendredi 30 mars 1984