Nous vivons, mais nous ne savons pas pourquoi. Pour un grand nombre d’entre nous, la vie n’a aucun sens. Pouvez- vous nous dire la raison d’être et le but de nos vies ?
Pourquoi me posez-vous cette question ? Pourquoi me demandez-vous de vous dire quel est le sens et le but de la vie ? Qu’est-ce que nous appelons vivre ? La vie a-t-elle un sens ? Un but ? Vivre, n’est-ce pas son propre but et son propre sens ? Pourquoi voulons-nous plus ? Parce que nous sommes si mécontents de nos vies, elles sont si vides, si vulgaires, si monotones, avec l’indéfinie répétition des mêmes gestes, que nous voulons autre chose.
Notre vie quotidienne est si insignifiante, assommante, intolérablement stupide, que nous disons : « il faut qu’elle ait un autre sens » et c’est pour cela que vous posez cette question.
Mais l’homme qui vit dans la richesse de la vie, qui voit les choses telles qu’elles sont, se contente de ce qu’il a ; il n’est pas confus : il est clair et c’est pour cela qu’il ne demande pas quel est le but de la vie. Pour lui, le fait même de vivre est le commencement et la fin. Notre difficulté est que, notre vie étant vide, nous voulons lui trouver un but et lutter pour y parvenir. Un tel but dans la vie ne peut être qu’une expression de l’intellect, sans aucune réalité. Un but poursuivi par un esprit stupide et un coeur vide, sera vide.
Ainsi vous vous demandez comment enrichir vos vies ( intérieurement, non pas d’argent, j’entends bien) : cela n’a pourtant rien de mystérieux. Lorsque vous dites que le but de la vie est d’être heureux, ou de trouver Dieu, ce désir de trouver Dieu n’est qu’une fuite devant la vie et votre Dieu n’est qu’une chose appartenant au connu. Vous ne pouvez vous acheminer que vers un objet que vous connaissez ; si vous construisez un escalier vers ce que vous appelez Dieu, ce n’est certainement pas Dieu. La vérité est comprise en vivant, non en s’évadant de la vie.
La première et dernière liberté. Pages 309 et 310.
Chapitre 36 : Sur le sens de la vie. Editions Stock, le livre de poche. 1994