Nous n’osons jamais l’approcher de trop près ; et si par hasard cela nous arrive, nous la fuyons bien vite. Nous ferons tout pour échapper à la solitude, pour l’oublier. Nos préoccupations conscientes et inconscientes semblent avoir toutes pour but de l’éviter ou de la surmonter. Eviter ou surmonter la solitude sont deux attitudes également vaines ; nous avons beau étouffer ou ignorer la douleur, le problème n’en est pas moins toujours là. Vous pouvez vous perdre dans une foule et cependant être profondément seul ; vous pouvez avoir une intense activité, mais la solitude s’insinue sourdement en vous ; reposez le livre, et elle est là. Les plaisirs et les boissons ne peuvent pas noyer la solitude ; vous pouvez momentanément vous en évader, mais quand les effets du rire ou de l’alcool se sont dissipés, la peur de la solitude revient. Vous pouvez être ambitieux et réussir, vous pouvez avoir un pouvoir considérable sur les autres, vous pouvez avoir une vaste culture, vous pouvez adorer et vous perdre dans le galimatias des rituels ; mais vous aurez beau faire, vous continuerez à souffrir de la solitude. Vous pouvez ne vivre que pour votre fils, pour le maître, pour l’expression de votre talent ; mais la solitude vous enveloppe comme une profonde nuit. Aimez ou haïssez, évadez-vous selon votre tempérament et vos besoins psychologiques : la solitude est là, qui attend et qui vous guette, qui ne s’éloigne que pour mieux revenir.
J. Krishnamurti
Commentaires sur la vie Tome 1, Chapitre 42
L’esseulement