En comprenant la liberté, on comprend en même temps ce que signifie la discipline. Ceci peut paraître contradictoire parce qu’habituellement nous pensons que la liberté signifie libération de toute discipline.
Quelle est la qualité d’un esprit hautement discipliné ?
La liberté ne peut exister sans elle, ce qui ne veut pas dire qu’il faut d’abord être discipliné pour parvenir ensuite à la liberté. La liberté et la discipline vont de pair ; ce ne sont pas deux choses distinctes.
Que signifie le mot « discipline » ? Selon le dictionnaire, il signifie « apprendre » et non un état d’esprit qui suit par contrainte un certain modèle d’action conforme à une idéologie ou une croyance.
Un esprit capable d’apprendre est entièrement différent d’un esprit qui ne sait que se conformer. L’esprit qui apprend, qui apprend à connaître, qui observe, voyant directement « ce qui est », n’interprète pas « ce qui est » selon son désir, son conditionnement, son bon plaisir particulier.
La discipline ne signifie pas suppression ou contrainte, pas plus qu’elle n’est adaption à un modèle ou à une idéologie ; elle est le propre d’un esprit qui voit « ce qui est » et qui apprend à connaître à partir de « ce qui est ».
Un tel esprit doit être extraordinairement éveillé et lucide.
Dans le sens ordinaire du mot, « se discipliner » implique qu’il existe une entité qui se discipline conformément à quelque chose. C’est un procédé dualiste : je me dis :
« Il faut que je me lève tôt le matin, que je ne sois pas paresseux » ; ou : « Je ne dois pas me mettre en colère. »
Ce qui est donc un processus dualiste. Il y a celui qui, avec sa volonté, s’efforce de contrôler sa conduite, s’opposant à ce qu’il fait en réalité. Un tel état est un conflit.
L’impossible question. Pages 28 et 29. Chapître II, La liberté. Editions Delachaux et Niestlé. 1988