La beauté n’est pas dans ce que l’on voit : elle n’est pas celle dont on dit : « C’est un bel arbre, un beau tableau, un bel édifice, une belle femme. »
Il n’ y a de beauté que lorsque le coeur et l’esprit savent ce qu’est l’amour. Sans l’amour et sans cette beauté, il n’y a pas de vertu, et vous savez fort bien que, quoi que vous fassiez : que vous amélioriez la société ou nourrisssiez les pauvres, vous ne feriez qu’ajouter au chaos, car sans amour il n’y a que laideur et pauvreté dans votre coeur et votre esprit. Mais avec la présence de l’amour et de la beauté, tout ce que l’on fait est bien fait, ordonné, correct. Si l’on sait aimer, on peut faire ce que l’on veut, parce que cela résoudra tous les autres problèmes.
Nous arrivons au point suivant : peut-on entrer en contact avec l’amour sans disciplines, ni impositions, ni livres sacrés, ni le secours de guides spirituels, et même sans l’intervention de la pensée ? Le rencontrer, en somme, à la façon dont on aperçoit soudain un beau coucher de soleil ?
Une chose, me semble-t-il, est nécessaire à cet effet : une passion sans motif, une passion non engagée, et qui ne soit pas d’ordre sensuel. Ne pas connaître cette qualité de passion c’est ne pas savoir ce qu’est l’amour, car l’amour ne peut prendre naissance que dans un total abandon de soi.
Chercher l’amour - ou la vérité - n’est pas le fait d’un esprit réellement passionné. Rencontrer l’amour sans l’avoir cherché est la seule façon de le trouver : le rencontrer sans s’y attendre, non en tant que résultat d’efforts, ni parce que l’on a acquis de l’expérience.
Un tel amour n’est pas tributaire du temps, il est à la fois personnel et impersonnel, il s’adresse à la fois à l’individu et au nombre. Semblable à la fleur qui a son parfum, on peut s’en délecter ou passer outre.
Se libérer du connu. Pages 106 et 107. L’amour. Editions Stock. 1994