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Il est essentiel de se tenir seul, sans engagement dans le mouvement de l’action, de l’expérience, car cela seul libère la conscience des entraves du temps



La plupart des gens refusent certaines choses faciles, superficielles ; certains vont loin dans leur refus, et il y a ceux qui refusent totalement. Le refus de certaines choses est relativement simple, l’église et ses dieux, l’autorité et le pouvoir de ceux qui la détiennent, l’homme politique et ses habitudes etc... On peut aller assez loin dans le refus des choses qui semblent avoir de l’importance telles que les relations mondaines, les absurdités de la société, la conception de la beauté telle qu’elle est établie par les critiques et ceux qui prétendent au savoir. On peut toutes les écarter et demeurer seul, non dans le sens d’isolement, de frustration, mais seul du fait d’une compréhension et, par suite d’un éloignement naturel, sans aucun sentiment de supériorité. Ce sont choses mortes, l’on n’a pas à y revenir.

Mais aller jusqu’au bout du refus est une tout autre affaire ; l’essence du refus est la liberté dans la solitude. Peu s’aventurent aussi loin, écartant tout refuge, toute formule, toute idée, tout symbole, pour être nus, sans brûlure, et lucides.

Mais combien ce refus est nécessaire ; refuser sans rien rechercher, sans l’amertume de l’expérience, ni l’espoir du savoir. Refuser et rester seul, sans lendemain, sans avenir. Le bouleversement du refus est nudité. Il est essentiel de se tenir seul, sans engagement aucun dans le mouvement de l’action, de l’expérience, car cela seul libère la conscience des entraves du temps. Toute forme d’influence est comprise et refusée, ne laissant point la pensée passer dans le temps. Le refus du temps est l’essence de l’intemporalité.

Carnets. Pages 118 et 119. 29 août 1961. Editions du Rocher. 1976.



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