L’argent corrompt. Il y a une arrogance propre aux riches. A de rares exceptions près, la richesse crée partout un climat singulier où l’on croit pouvoir tourner tout à son profit, même les dieux. Les riches peuvent acheter leurs dieux. La richesse n’est pas seulement la fortune ; c’est la possibilité de faire mille choses, cela donne à ceux qui l’ont un curieux sentiment de liberté. Ils se sentent au-dessus des autres, différents. On oublie sa propre ignorance, les opacités de son esprit ; on croit que l’argent et la puissance permettent d’échapper à cette opacité ; mais, en réalité, échapper c’est à nouveau résister, ce qui engendre d’autres problèmes encore.
Heureux l’homme qui n’est rien... Le riche a plus qu’il n’en faut, alors que le pauvre a faim, lutte et travaille toute sa vie. Mais celui qui n’a rien fait de sa vie une chose riche, créatrice, cependant que l’homme qui possède tout ce que le monde peut offrir le dissipe et dépérit. Donnez à l’un un arpent de terre et il le rendra beau, productif, alors qu’un autre le négligera et le laissera se dessécher comme il se dessèche lui-même.
Nous avons une aptitude infinie soit à trouver l’indicible, soit à apporter l’enfer sur terre. Or l’homme préfère engendrer l’hostilité et la haine. C’est qu’il est plus facile de haïr et d’envier. La société repose sur le désir d’avoir toujours plus. Les hommes recourent donc à toutes les formes possibles de rapacité, d’où une lutte sans fin, que l’on justifie et ennoblit
Pupul Jayakar Krishnamurti, une vie, Presses du Châtelet, p. 271.