L’immobilité absolue du cerveau est une chose extraordinaire, il est alors extrêmement sensible, plein de vigueur, de vie, conscient de tout mouvement extérieur, mais parfaitement calme. C’est parce qu’il est complètement ouvert, libre d’entraves, de quête et de désirs secrets ; étant libre, sans conflit, lequel est essentiellement un état de contradiction, il est absolument immobile, en état de vide ; ce vide n’est pas un état de vacuité, une absence, c’est l’énergie qui n’a pas de centre, de frontière.
Descendant la rue encombrée, sordide et malodorante, dans le vacarme des autobus, le cerveau percevait ce qui l’entourait et le corps se déplaçait, sensible, conscient des odeurs, de la saleté, de la présence des travailleurs en sueur, mais cette conscience ne procédait d’aucun centre d’observation, de direction ou de critique. Pendant tout ce trajet, le cerveau fut sans aucun mouvement de pensée ou de sentiment ; inhabitué à la terrible chaleur et à l’humidité, le corps commençait à se fatiguer, pourtant le soleil était couché depuis un certain temps. C’était un phénomène étrange, bien qu’il se fut déjà produit à plusieurs reprises. On ne se fait jamais à ce genre de choses, car elles ne relèvent ni de l’habitude, ni du désir. Nous en sommes toujours surpris après coup.
J. Krishnamurti
Carnets
23 octobre 1961 à Madras (p.223-224)