Auditeur. - Monsieur, l’amour peut-il avoir un objet ?
KRISHNAMURTI. - Qui pose cette question ? La pensée ou l’amour ? Ce n’est pas l’amour qui la pose. Quand vous aimez, vous aimez - vous ne demandez pas : « Y a-t-il un objet ou non, l’amour est-il personnel ou impersonnel ? » Savez-vous ce que cela signifie, connaissez-vous cette beauté ? Notre amour, tel qu’il est, est une épreuve ; nos rapports les uns avec les autres sont un tel conflit. Notre amour est basé sur votre image de moi, sur mon image de vous. Regardez très soigneusement, regardez ce rapport entre deux images isolées qui se disent l’une à l’autre : « Nous aimons. » Ces images sont le produit du passé, de souvenirs, souvenirs de ce que je vous ai dit, de ce que vous m’avez dit ; et ce rapport entre deux images est forcément un processus d’isolement. Et c’est ce que nous appelons des rapports. Etre en rapport veut dire être en contact - non seulement physiquement - chose impossible quand il y a une image, quand il y a ce processus d’auto-isolement qu’est la pensée, le « moi » et le « toi ». Nous disons : « L’amour a-t-il un objet ? Est-il sacré ou profane ? », vous me suivez ? Monsieur, quand vous aimez, vous ne donnez ni ne recevez.
J. Krishnamurti
L’impossible question
Première partie, Chapitre 6, Activité mécanique de la pensée (p. 85-86)