Etat d’urgence, Etat de submergence

Je voudrais ici tenter l’impossible et ce, à un moment particulièrement crucial de mon existence. Je vais donc prendre le risque d’expliquer subjectivement et concisément ce qu’a été ma vie à Brockwood Park en tant que « mature Student »* tout en étant encore entièrement submergé par l’expérience.
Il n’est pas si facile d’être totalement objectif quand on nage dans les eaux profondes de l’océan en mouvement, dans l’action quotidienne, sans recul. Tel le chant de la baleine, d’une voix off, dans le frémissement d’un murmure, je vais essayer de vous relater, de façon objective plutôt qu’obscure, cette expérience de plusieurs années en tant que « mature Student » à Brockwood.

Je me suis toujours perçu comme un très jeune homme, bien plus jeune que ce que l’on pouvait attendre d’un homme de mon âge (30 ans). Un côté éternel adolescent ne me quittait pas. De ce fait, je suis arrivé à Brockwood avec cette question : « Qu’est-ce qui peut-être désappris, plutôt que qu’est-ce qui peut être appris » Evidemment, ceci n’est pas particulièrement ce que l’on devrait entendre ou attendre d’un étudiant lorsque l’on commence une année dans un Centre éducatif, une école.
Travailler à devenir moins est particulièrement dangereux. Nous vivons dans une société où il est fait plus souvent appel à combler les vides qu’à les encourager.
Une société qui nous encourage donc plus à avoir qu’à être.

Brockwood Park, me semblait être un lieu de grand calme et d’écoute profonde, un modèle de vie communautaire dynamique et constructif. J’y apportais mes propres images tout en apportant ma contribution dans les domaines où je le pouvais.

On fait de nombreux sacrifices pour venir travailler ou pour étudier à Brockwood Park et l’on rencontre aussi certaines difficultés telles que, tracasseries administratives (pour les non Européens), on quitte sa famille, ses amis etc.
Par contre ce que l’on reçoit en échange est pratiquement indéfinissable et ce également pour la plupart des résidents de Brockwood avec lesquels j’ai discuté.

Ici, la vie sociale touche les nombreux aspects de l’être dans sa totalité et ce à chaque instant, constamment, sans issue, sans échappatoire. C’est tout et c’est rien, c’est trop et c’est trop peu, c’est toujours. Chaque rencontre est un révélateur. Une personne profondément intéressée a tout à découvrir tout en restant modérée. En fait, il y a une constante recherche d’équilibre accentuée par le fait que vous essayez de ne pas sombrer d’un côté ou de l’autre de la balance.

Peu de temps après mon arrivée à Brockwood Park, je me suis senti béni. Ensuite, j’ai ressenti des manques, c’était un tel changement de vie que j’étais en manque de ma vie d’avant Brockwood, en manque de mes amis, de ma famille, etc.
Et partant de là, j’ai commencé à agir de façon confuse et avec un manque de compréhension. Résultat de ceci, je pus observer les symptomatiques effets d’une telle conduite tels que la jalousie, l’impulsivité, la colère. Finalement, je vivais à l’opposé de ce qui devait être et ceci me fit commettre de nombreuses erreurs.

Après quelque temps, je quittai Brockwood pour 3 semaines de retraite que je passai en solitaire dans les montagnes. Ce repli physique et psychologique m’apporta une certaine guérison. Une nouvelle sensibilité prit racine en moi, je découvrais alors une autre vitalité, une autre clarté et un sens profond du merveilleux.
Ces changements prirent place très rapidement et maintenant, à l’automne de ma vie de Brockwood Park, je ressens un réel bien-être, je suis reconnaissant d’être plus mûr, d’aborder la vie avec plus de saveur, de faire face aux défis avec un esprit plus clair et plus sain. Je suis prêt à prendre de grandes décisions. En bref, et pour utiliser une expression que jamais je ne pensais pouvoir un jour employer : faire face à la vie en adulte !